Page:Monod - Renan, Taine, Michelet, 1894.djvu/204

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et dangereux de vouloir imiter ses procédés de composition que de vouloir imiter son style. Il n’avait point de méthode qu’il pût enseigner et transmettre, car il ne procédait que par intuition et par divination. Le génie ne s’enseigne pas. Même à l’École normale, il fut surtout un merveilleux excitateur des esprits. Plus tard, au Collège de France, il se méprit même, à ce qu’il semble, sur le rôle qu’il était appelé à jouer. Il transforma sa chaire en tribune, il chercha moins à instruire la jeunesse qu’à l’enthousiasmer ; et il contribua à dénaturer le caractère de notre enseignement supérieur en transformant ses leçons en morceaux oratoires, adressés non à une élite studieuse, mais à la foule.

Michelet n’a pas formé plus d’élèves par ses livres que par son enseignement. Il a laissé des chefs-d’œuvre à admirer, il n’a pas laissé de modèles à imiter. Sans doute il a mis en lumière des côtés de l’histoire, des points de vue négligés avant lui. Il a donné la place qu’elle méritait à la peinture des mœurs et des caractères, et il a montré combien les documents les plus secs peuvent devenir instructifs pour qui sait les interroger ; il a insisté sur l’influence jusque-là négligée des causes physiologiques