et son enseignement, ne quittant la solitude de son cabinet que pour la foule réunie autour de sa chaire du Collège de France, Michelet, avec sa nature aimante, délicate et passionnée, avait besoin d’être au foyer domestique entouré de soins, de tendresse et de dévouement. Il n’avait pas cette joie : sa femme était morte en 1839 ; sa fille s’était mariée en 1843 ; son fils vivait loin de lui. L’agitation des dix années qui suivirent la mort de sa femme lui avait un peu dissimulé ce qui manquait à sa vie intérieure ; mais maintenant qu’au dehors tout s’écroulait à la fois, qu’allait-il devenir ? Ce fut alors qu’il rencontra celle qui devint sa compagne pendant les vingt-cinq dernières années de sa vie. Par elle il retrouva tout ce qui était nécessaire à sa vie intellectuelle et morale. Elle fut la gardienne vigilante de son travail, elle fit respecter sa solitude, elle mit autour de lui l’ordre et le calme. Le génie de Michelet, fait d’émotion et de sympathie, avait besoin de sympathie et d’échange constant des sentiments et des pensées. L’enseignement lui avait procuré cet échange avec la jeunesse qu’échauffait et remuait sa parole ; l’enseignement lui était interdit. Il eut désormais auprès de lui l’âme la mieux faite pour le comprendre,
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