Page:Monod - Renan, Taine, Michelet, 1894.djvu/256

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Bien que les souvenirs de son enfance lui aient inspiré plus d’une fois des paroles dures pour l’Angleterre et qu’il n’ait jamais compris la grandeur sévère du génie anglo-saxon, il aimait les peuples étrangers ; il a été un des plus ardents apôtres de la paix, un défenseur de toutes les nationalités souffrantes et opprimées. En 1868, dans une préface nouvelle à son Histoire de la Révolution, il déclarait les guerres internationales désormais impossibles et saluait du cœur l’unité de l’Italie, l’unité de l’Allemagne[1]. La guerre de 1870 lui apparut comme un crime, et quand, au plus fort de nos revers, il en appelait au jugement de l’Europe des humiliations infligées à la France, il ne parlait pas de vengeance, mais de la mission de paix et de civilisation que sa patrie régénérée devait continuer à accomplir.

Son amour ne s’adressait pas seulement à cet être collectif qu’on appelle la nation ou à cette abstraction qu’on appelle l’humanité. Il aimait vraiment les hommes comme des frères, d’un amour évangélique, quels qu’ils fussent, quelles que fussent leur langue, leur race et leurs convictions. Cet amour des hommes était

  1. Histoire de la Révolution, 2e édition, page 4.