Page:Monod - Renan, Taine, Michelet, 1894.djvu/261

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elle devint plus intense ; il l’étudia dans sa vie intime, dans les habitudes et les mœurs des êtres innombrables qui l’habitent. Comme une mère suit le moindre mouvement de son enfant et voit dans ses gestes, ses sourires et ses cris tout un monde de sentiments et de pensées, toute la vie d’une âme, cachée aux yeux indifférents, mais sensible déjà au cœur maternel ; Michelet sut à force d’amour comprendre et interpréter ce monde de rêves et de douleurs muettes que nous appelons de ce grand nom mystérieux : la Nature. De quel cœur il suit au bord du toit de l’église le petit oiseau à qui sa mère enseigne à essayer ses ailes, à croire en elle, qui lui dit d’oser ! C’est un spectacle plus touchant, plus émouvant à ses yeux que celui d’une mère surveillant le premier pas de son enfant. Quelle douleur éveillait en lui la vue des oiseaux prisonniers qui paraissent s’adresser à vous, vouloir arrêter le passant, ne demander qu’un bon maître[1] ! Avec quelle tendre sollicitude il épie les lents et minutieux travaux de l’insecte ! On a parfois trouvé risible la sympathie avec laquelle il suit les animaux et les

  1. Il fut ce bon maître pour plus d’un. Il avait toujours avec lui des oiseaux, il les emmenait en voyage. Il y avait un pinson surtout à qui toute la maison obéissait.