Page:Monod - Renan, Taine, Michelet, 1894.djvu/318

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raison à la simplicité du cœur », était malheureusement d’une santé délicate que le travail usa rapidement. Michelet devine le premier le mal qui ronge ; il en suit les progrès avec une clairvoyance passionnée, et il sent s’éveiller en lui pour son ami malade, devenu son enfant, une tendresse paternelle. La lente agonie de Poinsot est une agonie morale pour Michelet et, quand Poinsot expire, le 14 février 1821, il lui semble être frappé à mort :

« À l’entrée du cimetière, la vue des arbres hérissés de glaçons me déchira de nouveau. C’était donc à cette nature hostile que nous allions le remettre, l’abandonner pour toujours ! Comment dire mes angoisses pendant que nous montions lentement cette allée funèbre ? Mais l’instant le plus cruel, où je me sentis étouffé, écrasé d’une douleur sans nom, ce fut celui de la descente dans la fosse. La bière, mal dirigée, y tombait avec des secousses, des heurts aux parois, qui me semblaient pour ce pauvre corps livré sans défense autant de coups et de meurtrissures… Puis ce fut d’entendre la terre durcie par la gelée retomber rapidement sur le cercueil, et le bruit caverneux qu’il rendait, comme une réclamation, une