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Page:Monod - Renan, Taine, Michelet, 1894.djvu/97

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aussi la stupeur de ses juges. La leçon fut déclarée par eux « absurde »[1]. Taine fut refusé, et on lui conseilla charitablement de ne pas persister à viser l’agrégation de philosophie.

Il n’était pas seul condamné d’ailleurs. L’agrégation de philosophie fut supprimée quatre mois plus tard, et je soupçonne les épreuves de Taine et le rapport secret de M. Portalis d’avoir été pour quelque chose dans cette suppression. Le jury d’ailleurs se cacha si peu d’avoir tenu compte dans sa décision de la question de doctrine que, deux ans plus tard, à la soutenance de doctorat de Taine, M. Garnier exprima le regret d’avoir retrouvé dans sa thèse française les idées philosophiques qui l’avaient fait échouer à l’agrégation.

Il n’était pas au bout de ses peines. Ici encore je rencontre une légende, fort jolie du reste, et qui contient une part de vérité ; mais

  1. Je tiens tous ces détails d’un des membres du jury, M. Bénard. Paradol, dans la lettre citée plus haut, parle avec admiration de cette « brillante et savante leçon » ; — « je ne le connaissais pas encore, dit-il, si souple, si nerveux, si clair et surtout si à son aise. Il était là le maître, et il y avait un peu de respect dans l’attention qu’on lui prêtait. Il a la parole très régulière et cependant très animée ; il y a dans son débit une chaleur contenue, une flamme intérieure qui donne la vie à tout ce qu’il touche. »