Page:Monselet - Charles Monselet, sa vie, son œuvre, 1892.djvu/17

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Paris, de Scholl, par une association de littérateurs : d’un côté, Jules Noriac, l’auteur de la Bêtise humaine, auquel il adjoignit Gabriel Guillemot (que de morts, que de fosses comblées !), de l’autre, Charles Monselet, qui devait signer avec moi du pseudonyme de Monsieur de Cupidon un article hebdomadaire.

Nous rédigions donc ensemble cette causerie. Quand je dis nous !… J’écrivais et Monselet relisait. « Je jetterai sur nos feuillets quelques paillettes ! » disait-il. Il en jetait. Plus souvent il se contentait de dire : « C’est excellent. Pourquoi travailierais-je ? Je n’aurais qu’à gâter tout ! » Une fois même il perdit les feuillets, et il me fallut, à l’imprimerie, improviser, à côté de mon cher ami Francis Magnard, la chronique égarée qu’attendait feuillet à feuillet le compositeur Roucolle. Ah ! l’étrange, mais le charmant et amusant collaborateur !

C’était la causerie de ce maître, tout imprégnée de la littérature du xviiie siècle, qui me séduisait. J’aurais passé ma journée à l’écouter, quitte à passer ma nuit à écrire pour arriver à temps. Nous nous rencontrions alors dans une maison amie, chez mon vieux et dévoué camarade Georges Silva, le gendre de Polydore Millaud, fondateur du Petit Journal. Monselet expédiait d’avance ses menus et pendant que Mme Silva envoyait aux provisions sur ses ordres, Monselet, lui, faisait provision d’esprit.

J’ai retrouvé, dans la collection d’autographes que M. Silva garde à Bayonne les billets de Monselet, qui datent de ce temps et qui peignent vraiment le délicat qu’était l’auteur de la Cuisinière poétique : l’un, où le gourmand tourne galamment un menu, comme il tournerait un madrigal ; l’autre, où apparaît le gourmet de livres, l’auteur exquis de la Lorgnette littéraire.