que pour le lire, car, ainsi que je l’ai dit, à tous ses mérites, il joignait le physique et le costume d’un Fontanarose. Un article par jour : cela supposait pour le peuple un phénomène d’imagination, un puits de science, un colosse d’esprit, un foudre d’éloquence. Un article par jour ! cela résumait aux yeux éblouis des fruitiers et des cochers de fiacre Homère, Chateaubriand et Eugène de Pradel. Aussi la renommée de Timothée Trimm ne connut-elle plus de bornes ; il n’y a pas eu d’acteur plus applaudi dans un théâtre, de gymnaste plus acclamé dans un cirque. C’était bien là l’idée que le peuple se faisait d’un homme de lettres chez qui il aime à retrouver quelque chose de l’écrivain public… »
La vogue du Petit Journal, qui ne fut jamais dépassée, balança bientôt la vogue des plus grands journaux : son tirage atteint rapidement le chiffre de 200 000 exemplaires, considéré jusque-là comme fantastique.
C’étaient les théories d’Émile de Girardin mises en pratique, et l’on s’étonne de ne pas trouver tout d’abord à la tête de cette opération ce fameux financier de lettres.
Mais quelle révolution causée dans la presse par ce petit carré de papier : Les prix payés aux rédacteurs de cette feuille sont aussi fabuleux que le chiffre de tirage : on parle de vingt-quatre mille franc par an à Léo Lespès pour son article quotidien ; M. de Villemessant se trouvait bien distancé, mais l’annonce et la réclame commençaient aussi à se faire jour à travers les lignes, jusqu’en première page.
Le romancier Ponson du Terrail survint par là-dessus avec l’histoire de Rocambole, inaugurant un nouveau genre de roman feuilleton qui, continué plus tard par Gaboriau, de Montépin, du Boisgobey, Richebourg, et autres, assoit la triomphante fortune de ce petit journal.
D’autres chroniqueurs entrèrent au Petit Journal à la suite de Léo Lespès, entre autres Alfred Assollant, Pierre Véron,