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Page:Monselet - Charles Monselet, sa vie, son œuvre, 1892.djvu/231

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SA VIE, SON ŒUVRE

deux. Chaque matin, je m’installais dans celle-ci, par un clair soleil, seul à une table longue, à côté d’une écritoire en liège, ayant devant moi plusieurs tomes de mon auteur. D’abord un peu distrait, je m’enfonçais insensiblement dans les cercles de son enfer, m’arrêtant devant chaque damné, touchant du doigt et réveillant des rancunes seulement assoupies. Je n’avais eu jusqu’alors qu’une pitié instinctive, presque secrète, pour Fréron, pour ce vaincu du xviiie siècle. En feuilletant son immense répertoire, j’arrivai peu à peu à la sympathie. Qu’on ne se s’étonne donc pas si ces pages, commencées en Bretagne et finies à Paris, ont parfois les allures d’un plaidoyer. Jamais homme n’eut tant besoin d’être défendu. Jamais écrivain ne mérita mieux de l’être. »


La presse fit un grand éloge de Fréron, qui cependant ne trouva pas grâce aux yeux de la critique tout entière, mais sur qui rejaillit toutefois une certaine faveur.


On cria aussi au paradoxe. Plus récemment, M. Henri Fouquier a écrit, sous le pseudonyme de Nestor, les ligues suivantes à ce sujet (Gil Blas, no du 23 mai 1888) :


« … La grande thèse d’érudition de Monselet, peut-on dire, fut son Fréron… Une fois lancé à défendre Fréron, Monselet ne manque pas d’aller jusqu’à attaquer vivement le « roi » Voltaire. Ceci fut l’occasion de polémiques assez chaudes. Monselet n’avait cependant pas tout à fait tort. Son compatriote Fréron, qui rédigea pendant sept ans l’Année littéraire, quelque chose comme la Revue des Deux Mondes de ce temps-là, n’était pas l’idiot et le misérable que disait Voltaire. Celui-ci, dans sa lutte contre Fréron, où il eut, d’ailleurs, des traits exquis, dépassa la mesure au moins autant que son adversaire, le mettant à la scène dans une comédie plus violente qu’agréable à lire. Incontestablement Fréron était courageux et indépendant… L’apologie de Monselet a donc quelque raison d’être, et elle n’est pas, comme on le disait,