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Page:Monselet - Charles Monselet, sa vie, son œuvre, 1892.djvu/290

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SA VIE, SON ŒUVRE

Que ce livre Lui dise, aux heures de tristesse,
            Aux longs et sombres jours,
De quel amour profond, à travers ma paresse,
            Mon cœur l’aima toujours.
Qu’il lui dise mon âme à bien peu révélée,
            Qu’il plaide pour mes torts ;
Et Dieu vomira peut-être, ô ma mère isolée,
            Adoucir mes remords !
Dans ce livre où tout est espérance et lumière,
            J’ai cru voir, ce matin,
En écrivant ceci, l’image de mon père
            M’envoyant un baiser lointain.

Charles Monselet.


Qu’il me soit permis, à mon tour, de prononcer l’éloge de mon père, de dire quels trésors d’indulgence et d’affection il eut pour ses enfants : quelques lignes de lui, adressées à moi, montreront son cœur à nu, — et ces lignes, bien que d’un caractère tout à fait privé, je ne peux m’empècher de les livrer à La publicité, pour indiquer quelle âme délicate et subtile se cachait sous une enveloppe légère, à la surface :


Monaco, 11 mai 1876.
Mon cher enfant,

J’ai reçu ta lettre. Tu es guéri, je ne le suis pas. Je souffre, mais comme d’un mal prévu. La goutte me guettait depuis longtemps. Après les premiers moments de surprise, j’en ai pris mon parti. La tête baissée, criant et me tordant, j’ai continué à faire mes articles pour vous donner le pain et le logement…

J’écris par le même courrier à ta mère. Dis-lui qu’elle peut aller lundi toucher une trentaine de francs au Monde illustré.

J’ai écrit aussi à maman Monselet. Tu me rendrais bien heureux en prenant un dimanche matin l’omnibus qui va au Père-Lachaise et en allant mettre une couronne sur la tombe de mon pauvre père.

Il l’a bien aimé. Et l’on ne sait pas si les âmes de ces pauvres morts ne voltigent pas encore autour de nous. Les savants et les philosophes n’osent en rien dire. Le meilleur est d’écouter les battements de cœur qui sont en nous.