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SA VIE, SON ŒUVRE

tint à honneur de consacrer son talent à des œuvres purement littéraires.

Charles Monsclet fut un lettré dans la meilleure acception du mot ;

— un lettré délicat, érudil et spirituel. Fils d’un libraire, il eut, dès l’enfance, le goût des livres et L’amour des Ici ires. Comme il l’a dit dans une des jolies pièces de vers dont son œuvre esi semée :

Le principal étant de vivre,

Fidèle au « Tel père, tel lils ».

Ma ressource devint le livre ;

.Mon père, en vendait, — moi, j’en lis.

11 en a fait beaucoup ; abordant successivement tous les genres : critique, histoire littéraire, bibliographie, théâtre, poésie, chronique et roman, — et dans tous les genres il a montré les qualités d’un écrivain de pure race française : franchise et netteté du style, esprit pétillant, Finesse et bonne grâce, bon sens et bonne humeur. Nourri de la lecture des auteurs du xvur 3 siècle, dès ses débuts à Y Artiste, et plus tard à la Bévue de Paris, il nous a introduits parmi les groupes les moins connus de cette société de beaux esprits. Le premier, il a évoqué et remis en lumière les curieuses physionomies des Oubliés et Dédaignés du siècle dernier. Il a été l’historiographe de Fréron et de Rétif de La Bretonne, des abhés galants de la régence et des Figures originales ou excentriques qui eurent un moment de célébrité à la veille de la révolution de 1789.

A son tour le xviii siècle a déteint sur Monselet ; il lui a donné cet esprit sagace, cette gaieté pimpante, cette sève malicieuse qu’il nous a fait goûter ensuite dans les exquises fantaisies disséminées au jour le jour au Figaro et à Y Événement. Charles Monselet a excellé dans ces petits tableaux parisiens dont il a formé plus tard une aimable galerie : les Tréteaux, le Théâtre du Figaro, les Femmes qui font des scènes, etc. On retrouve là le faire spirituel du portraitiste des Originaux du siècle dernier, mais avec une couleur toute moderne, une observation rapide et exacte. On y trouve aussi un poêle, car Monselet fut un vrai poète à la note finement sensualiste. « Il est dans la veine française, » écrivait Sainte-Beuve à propos de son charmant recueil le Plaisir et V Amour.

Il avait le don des vers francs, pleins d’une verve capiteuse et savamment contenue. Il appliquait à des sujets contemporains, avec une grande habileté de facture, l’art raffiné et galant du XVIII e siècle. Il était en poésie un gourmet et un délicat.