Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/169

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et finissent tôt, fêtes de courte durée, que, n’accompagnent ni la fatigue ni le regret. Nul temps ne convient mieux aux douces promenades, moitié gaieté et moitié sentiment. Philippe Beyle et Pandore profitèrent d’une de ces journées engageantes pour mettre quelques pouces de champs entre eux et Paris. Un de ces petits coupés, qui valent les chaises à porteur pour l’élégance et qui leur sont bien préférables pour la rapidité, les emporta, dès midi, au-delà d’Auteuil, et ensuite un peu partout, à Meudon, à Saint-Cloud, dans les sentiers de Ville d’Avray. Quand le site leur paraissait beau, ils descendaient de voiture et continuaient leur route à pied ; la jeune femme s’appuyait sur le bras de Philippe et marchait en soulevant légèrement sa robe de soie pour qu’elle ne fût pas accrochée par les branches mortes et noires qui gisaient sur le sol ; c’était un plaisir de voir le bout de ses bottines furetant à travers les feuilles sèches.

La conversation ne tombait jamais entre eux ; l’un et l’autre avaient cet âge où la richesse et la vivacité du sang entretiennent une succession d’impressions rapides, heureux âge où la parole fleurit sur les lèvres, amenant avec elle sans effort la bonté, l’esprit, le charme, comme les perles d’une eau limpide. Ils causaient de ce qu’ils voyaient et de ce qu’ils aimaient ; leurs idées semblaient rire, ainsi que leur bouche. Un tel entretien, emporté par le vent et semblable au vent lui-même, ne peut être rapporté ni traduit ; il ressemble à ces babils insaisissables et coquets qui courent dans les partitions d’opéra-comique. Il n’y a qu’un âge, il n’y a qu’un temps pour de tels duos. Plus tard, on oublie cet idiome amoureux qui pourtant ne s’apprend pas, et l’on est tout surpris de s’apercevoir que les paroles tarissent comme autre chose ; plus tard, on ne sait plus causer avec les femmes, on se contente de les écouter ou simplement de les entendre ; alors, elles nous étonnent plus qu’elles ne nous charment ; nous les regardons en souriant, l’esprit traversé par des idées étrangères…

Pandore n’avait jamais été si jolie, si fraîche. Philippe, de son côté, ne pensait qu’au moment présent, et le moment présent était tout son bonheur. Il lui semblait que la vie humaine n’avait qu’un seul jour, et que ce jour était celui-ci.