Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/178

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Je suis ce qu’on appelle un produit parisien, né, cultivé dans cette grande serre du vice qui s’étend des boulevards au bois de Boulogne. Comment s’est faite mon éducation, je ne m’en souviens plus, ou je frémis quand je m’en souviens ; seulement j’ai tout appris, je sais tout, même un peu d’orthographe. Comment voulez-vous que je puisse vous aimer, Philippe ? Je n’ai, pour être subjuguée par vous, ni la jeunesse du cœur, ni, pour m’éprendre de vos défauts, la jeunesse de l’esprit.

« Mettons que notre liaison a été une expérience, un essai sans réussite ; elle n’en aura pas moins eu, dans sa courte durée, un charme spécial et réel. Nous avons eu trop de bon sens pour ne pas dissimuler tous les deux, et nous devons à cette délicate politique des heures souriantes qui valent peut-être mieux que des heures brûlantes, et des plaisirs qui ressemblent bien à des bonheurs.

« À qui s’en prendre si notre promenade de Marly a eu son retour, comme elle avait eu son départ ? Est-ce que toutes les affections, tous les caprices, ne sont pas plus ou moins des promenades à Marly ?

« Adieu, mon ami ; vous avez été très gentil pour moi, et votre souvenir me sera toujours agréable. J’aurais désiré ne pas vous quitter sitôt ; mais que voulez-vous ? Si l’inconstance n’existait pas, je l’aurais inventée. Cherchons ensemble des prétextes, si vous y tenez : votre cheminée fumait, votre concierge manquait d’aménité, vos favoris étaient devenus trop longs. Ne pensez plus à moi, ce serait du temps mal perdu ; ou, si vous y pensez, imaginez-vous que vous avez reçu cet été la visite d’une hirondelle, et qu’aux approches de l’hiver cette hirondelle s’est envolée.

« Adieu.

« Pandore. »