Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/204

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un bouquet, Amélie gagna une petite porte et s’élança dans l’escalier. Elle ne s’arrêta qu’au seuil du salon indiqué par sa mère. Là, le cœur lui battit, et la timidité naturelle à son sexe et à son âge suspendit l’impétuosité de son élan. Elle savait qu’en tournant un bouton elle allait se trouver en présence de quelqu’un qui pouvait lui donner sur son père des renseignements dont elle était privée depuis longtemps ; mais était-ce à un ami ou à un ennemi qu’elle allait s’adresser ? Amélie n’avait pas un instant à perdre ; la comtesse pouvait la surprendre. Elle entra. Sa surprise fut vive en apercevant un grand et beau jeune homme qui, aussi surpris qu’elle, mais moins décontenancé, la salua avec une grâce parfaite.

— Monsieur, dit Amélie, vous avez vu mon père ?

— Oui, mademoiselle.

— Y a-t-il longtemps ?

— Hier matin.

— Vous êtes plus heureux que moi, murmura-t-elle en soupirant.

— Votre père, mademoiselle, avec cette seconde vue du cœur qui trompe rarement, avait prévu le hasard d’une rencontre entre vous et moi. Je suis chargé de tous se souvenirs pour vous, de toutes ses tendresses mêlées de regrets et de désirs.

— Oh ! merci, monsieur ! s’écria Amélie ; n’est-ce pas que c’est un bon père ?

À cette question naïve, Beyle répondit :

— N’en doutez pas, mademoiselle.

— Le reverrez-vous bientôt ?

— Aujourd’hui, probablement.

— Eh bien, monsieur, puisque vous êtes son ami… car vous êtes son ami ? demanda-t-elle avec une ravissante hésitation.

— Un de ses plus dévoués.

— Oh ! tant mieux ! s’écria Amélie ; alors vous consentirez à lui remettre ces fleurs de ma part, n’est-ce pas ?

— Certainement oui, mademoiselle, il les aura ce soir.