Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/243

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— Qu’il vive, mais qu’il vive seul ; qu’il m’oublie, si cela lui est possible. Moi, j’ai mon but marqué.

Marianna étendit le doigt, par un de ces gestes qui devaient être familiers aux Euménides. Ce doigt semblait traverser les mers et désigner une victime à des tortionnaires invisibles.

Au milieu de la nuit, Irénée de Trémeleu, dont le sommeil était léger comme celui de tous les malades qui abusent du repos, fut réveillé par un imperceptible bruit qui frappa plutôt son cœur que son oreille. Il écouta longtemps. Un peu plus enclin aux hallucinations, il aurait pu croire que les pantoufles de Marianna se promenaient vides sur le parquet d’une chambre voisine de la sienne. Ces pas, qui semblaient assourdis à dessein, lui causèrent bientôt une anxiété. Il se leva silencieusement, lui aussi, non pas pour chercher à surprendre les secrets de son amie — il ne se reconnaissait plus ce droit — mais pour respirer un peu l’air du dehors, car la moindre émotion pénible lui causait un étouffement subit. Il alla s’accouder sur l’appui d’un balcon. La nuit avait cette clarté qui est faite avec les rayons des plus blanches étoiles. La maison qu’il habitait était assise à peu de distance du vieux château qui domine la ville. De cette position admirable, Irénée voyait s’étendre à ses pieds plus de cent mille orangers, ces orangers qui sont la merveille et la renommée d’Hyères. Il y avait en outre à sa droite des masses d’oliviers et de pins. Mais en ce moment, ce n’était pas le paysage qui sollicitait son attention.

Au-dessous de lui, dans le jardin, il venait de voit glisser la forme de Marianna. Cette fois, il regarda et il écouta. Marianna s’entretenait à demi-voix avec la jeune fille qui lui servait de femme de chambre.

— As-tu fait ce que je t’ai dit ?

— Oui, madame, mon père sera dans deux heures avec sa barque à la pointe de l’église.

— C’est bien. As-tu descendu mes bagages ?