Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/271

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— En voici la preuve, ajouta-t-elle en tendant à la marquise une consultation des trois meilleurs médecins de Paris.

La marquise parcourut l’écrit avec effroi. Puis, reportant les yeux sur Mme Baliveau :

— Rien ne décèle, ni dans votre air, ni dans votre voix, un mal aussi affreux, dit-elle.

— Madame la marquise, je suis mère, et je veux marier ma fille.

Mme de Pressigny écouta.

— J’ai caché mon secret à mon mari et à mon Anaïs ; n’était-ce pas plus difficile que de le cacher à des étrangers ? Je me suis confiée à des médecins, il est vrai, mais leur discrétion m’est garantie par leur honneur.

— Que vous avez dû souffrir ! dit la marquise en la regardant avec intérêt.

— Oh ! oui, madame. Si vous saviez ce qu’est la vie pour moi ! Je me farde comme une comédienne, afin de ne pas laisser soupçonner l’effrayante altération de mes traits. Toujours sur le qui-vive, redoutant les visites trop longues, prête sans cesse à repousser les questions de mon mari ou à me soustraire aux caresses de ma fille, je n’ai qu’une pensée fixe, qu’une préoccupation : prévoir, devancer le moment de la crise, afin de me réfugier seule au fond de mon alcôve.

La marquise eut un frisson.

— Tel est le passé, dit Mme Baliveau ; et savez-vous quel sera l’avenir ?

— Vous me faites peur.

— Depuis quelques temps, mes accès ont augmenté. Je les compte, madame, je les compte depuis vingt-deux ans. Ils ont augmenté dans une proportion horrible. D’un instant à l’autre, je crains qu’il ne me soit plus possible de cacher la vérité. Alors, tout serait perdu : ma fille ne se marierait pas, elle ne se marierait jamais. Il ne faut pas qu’un plan conçu et exécuté au prix de tant de tortures soit détruit par un seul moment de faiblesse ; n’est-ce pas votre opinion ?

— Vous pouvez guérir ; la science est sujette à des erreurs.

— La science ne sait rien sur ma maladie, par conséquent elle ne peut rien. D’ailleurs, je suis arrivée à un âge décisif ; à