Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/273

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La voix aigrelette du petit contrôleur des contributions monta faiblement jusqu’à elles. On jouait toujours dans le salon violet.

— Six cartes ! disait-il en comptant ses points.

— Que valent-elles ?

— Le cinq.

— J’ai mieux que cela à vous offrir, répondait le rentier.

— Je ne soutiens pas le contraire ; et la quatrième au roi ?

— Ne vaut pas une quatrième majeure.

— Trois as ?

— J’ai le quatorze de dix, riposta le rentier.

— Alors, vous me permettrez de compter un.

Et le contrôleur, essayant de sourire, mais en réalité fort mécontent de son jeu, jeta sa carte sur le tapis. Sûre de n’être pas épiée. Mme Baliveau referma la porte et revint auprès de la marquise de Pressigny.

— Je vous ai affligée, dit Mme Baliveau ; pardonnez-moi.

— Quelle effroyable tragédie !

— D’autant plus effroyable que mon but ne sera pas atteint tout entier.

— Craignez-vous que, malgré tout, on ne devine ?…

— Non ; mon sacrifice ne sera pas absolument inutile : moi morte, ma fille pourra se marier, c’est vrai ; mais elle se mariera sans dot.

— Comment cela ? demanda la marquise.

— Un autre obstacle, que j’ai découvert quelques heures seulement avant de vous écrire, viendra fatalement s’opposer au bonheur d’Anaïs.

— Quel obstacle ?

— Son père est sur le bord d’un précipice. Il a écrit en secret à son notaire pour faire vendre tous nos biens ; il doit soixante mille francs. S’il paye, comme tout me le fait supposer, car nos biens représentent à peu près cette somme, ma fille n’aura pas un sou de dot ; et la pauvreté est une autre sorte d’épilepsie.

— Malheureuse mère !

— En présence de ce surcroît d’adversité, et plus que jamais résolue à la mort, je vous ai appelée, madame, pour vous remettre mon testament, c’est-à-dire pour vous recommander ma