Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/282

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— Tenez ! s’écria-t-elle, voilà ce que je reçois tous les jours ; délivrez-moi d’un semblable supplice !

Un coup de poignard eût moins fait de mal à Philippe Beyle que la vue de ces pages. Il ne fit qu’y jeter les yeux ; il les reconnut, à son grand étonnement, car il croyait les avoir comprises dans l’autodafé général qu’il avait fait de sa correspondance amoureuse, quelque temps avant son mariage. Il sentit d’où lui venait cette nouvelle blessure ; mais, en ce moment, son principal soin devait être de la dissimuler aux yeux d’Amélie.

— Est-ce que nous avons des ennemis ? lui demanda-t-elle avec inquiétude.

— Le bonheur en a toujours. Mais rassurez-vous ; ce ne sont pas eux qui vous envoient ces lettres.

— Ce ne sont pas eux, dites-vous ?

— Non, Amélie.

— Alors, qui donc…

— C’est moi.

— Vous, Philippe ?

— Moi. Vous allez comprendre les motifs de cette conduite. C’est précisément lorsque nous sommes le plus heureux qu’il faut savoir prévoir et conjurer les moindres nuages de l’avenir. Or, je veux qu’on ne vous apprenne rien sur moi que je ne vous aie révélé moi-même. Forte et croyante aujourd’hui, peut-être ne le seriez-vous pas autant dans quelques années…

— Oh ! Philippe ! dit-elle d’un ton fâché.

— J’ai voulu profiter de ces premières heures pour me faire connaître à vous tout entier ; j’ai voulu opposer aux qualités nouvelles les défauts anciens. Plus votre foi était robuste, plus votre épreuve devait être hardie et décisive.

— C’était donc une épreuve ? murmura Amélie un peu honteuse.

— Oui.

— Mais ce que vous écriviez autrefois…

— Était alors l’expression de ma pensée.

— Méchant !

— Prévenir le mal, cela vaut mieux que d’avoir à le guérir.