Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/308

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Non, je sais d’avance quel partage égal tu feras de ta tendresse. Mais, vois ces broderies : il n’y en a de ta tendresse. Mais, vois ces broderies : il n’y en a pas de plus belles dans Épernay. Je suis sûre qu’elles t’iront à ravir.

Anaïs ne regardait pas.

— Veux-tu les essayer ?

— Comme vous voudrez, ma mère.

Les broderies tombèrent tristement des mains de Mme Baliveau.

— C’est donc bien passé de mode ! murmura-t-elle presque timide ; je sors si peu ; j’ignore, en effet, ce qui est beau et riche maintenant. Excuse-moi. Pourtant Étienne m’a souvent répété qu’elles étaient magnifiques. Il y a bien longtemps, c’est vrai. Pauvres défroques !

— Ma mère, je vais vous communiquer une idée qui vous paraîtra déraisonnable, folle.

— Dis toujours.

— Cette idée me poursuit sans relâche ; il faut que je m’en débarrasse, car elle me fait trop de mal.

— Qu’est-ce donc, mon enfant ?

— Il me semble, sans que je m’en rende bien compte, qu’un malheur nous menace.

— Que veux-tu dire ? demanda la mère inquiète.

— Depuis quelque temps, je ne vous trouve plus la même.

— Plus la même ! Est-ce que, sans m’en apercevoir, je ne te témoignerais plus autant d’affection ?

— Au contraire, murmura la jeune fille.

— Je ne te comprends pas ; explique-toi, je t’en prie. Anaïs, ma chère enfant, qu’as-tu ? On dirait que tu es près de pleurer. Quelle peine involontaire ai-je pu te causer ?

— Aucune, ma mère, aucune… mais depuis quelques jours…

— Eh bien ! depuis quelques jours ?

— J’ai peur.

La mère pâlit.

— Peur ? répéta-t-elle.

— Oui, ma mère.

— Peur… de quoi ?

La jeune fille garda le silence.