Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/310

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faire une peine sérieuse… et ce n’est pas ton intention, n’est-ce pas ?

Mme Baliveau avait réussi à prononcer ces paroles avec un accent si calme, si naturel, qu’Anaïs sentit ses doutes s’évanouir.

— Laissons là ces toilettes, reprit Mme Baliveau ; elles sont la cause de cette conversation chagrine.

Un instant après, elle demanda, comme avec indifférence :

— À propos, Anaïs…

— Que voulez-vous ma mère ?

— Combien y a-t-il de jours que cette dame, Mme de Pressigny, est venue me voir ?

— Il y a quatorze jours.

Mme Baliveau ne fut pas maîtresse d’un mouvement de surprise.

— Quatorze jours, répéta-t-elle ; en es-tu bien sûre ?

— Oui, ma mère.

— Déjà ?…

Ce mot fut prononcé lentement et à voix basse. Ce mot résumait depuis quatorze jours tous ses bonheurs et tous ses regrets ! Au moment de quitter volontairement la vie, elle s’était sentie retenue par tous les liens du foyer, resserrés autour d’elle avec plus de force et de charme. Son mari auquel elle avait remis les soixante mille francs de la marquise, sous les apparences d’un prêt, son mari s’était départi envers elle de sa réserve accoutumée. Les soirées du petit salon violet en avaient reçu une gaieté plus franche. Mme Baliveau hâtait les préparatifs du mariage d’Anaïs avec M. Fayet-Vidal, le blond substitut. Tout riait à cette pauvre femme ; la maladie elle-même semblait l’oublier.

Une surprise lui était réservée ce même soir. C’était sa fête. Deux lampes de plus ornaient le salon. Les vases de la cheminée avaient été remplis de fleurs. Chaque invité brillait de cet air discret et de ce bon sourire qui sont l’éclat de la province ; on se parlait à mi-voix. Une partie de piquet commencées s’était achevée tout de travers. Catherine allait et venait avec