Philippe Beyle et le comte d’Ingrande étaient à peine assis, que le dialogue suivant s’engagea entre une frisure blonde qui arrivait et une barbe olympienne au repos :
— Vous ne serez donc jamais exact, Bécheux ? dit la barbe au repos.
— Colombin, ne m’accablez pas de reproches ; je sais mes torts, repartit la frisure.
— Vous devriez venir me prendre à Torloni entre cinq et six heures ?
— C’est vrai.
— Et il en est onze passées.
— Archi-vrai.
— Eh bien ! mais ce n’est pas plaisant… dit Colombin étonné.
— C’est même excessivement désagréable ; mais il y a des circonstances atténuantes, et je demande à les plaider.
— Tu plaides donc, toi, Bécheux ? dit un joueur sans se retourner.
— Je pourrais plaider, répondit Bécheux offusqué par cette interpellation ; je suis inscrit au tableau des avocats.
—Bécheux avocat ? murmurèrent quelques personnes en levant la tête.
— Oui, messieurs, oui, dit-il en se rengorgeant et en jouant avec son lorgnon.
— Charmant.
— Inouï !…
— Ravissant !…
Et un éclat de rire général couvrit ces acclamations ironiques. Bécheux devint rouge ; il essaya de sourire, mais il n’y parvint pas.
— Voyons, reprit Colombin, le prenant en pitié ; quelles sont les circonstances atténuantes ?
— Acceptez-vous le cas de force majeure ? dit Bécheux.
— Qu’est-ce que cela ?
— Par exemple, l’incarcération ?
— Comment, on vous aurait tenu enfermé, Bécheux ?
— Vous allez voir.