Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/410

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Marianna eut un moment de réflexion.

— Voyons, dit-elle à Amélie, vous qui êtes de noblesse comme je suis de théâtre, qu’eussiez-vous donc imaginé contre une femme que vous auriez haïe comme je vous hais ?

— Ne le devinez-vous pas ?

— Je ne suis pas assez ingénieuse pour inventer, mais je suis assez courageuse pour ne pas reculer.

— Dites-vous vrai ?

— Essayez.

Amélie alla vers la porte et y mit le verrou.

— Que faites-vous ? dit Marianna étonnée.

— Vous allez voir.

Ensuite, se dirigeant vers la panoplie, Amélie en détacha deux épées contenues dans deux fourreaux de chagrin. L’une était l’épée d’Irénée.

— Devinez-vous, maintenant ? dit Amélie.

— Un duel ? murmura Marianna.

— Un duel.

— Nous ne sommes que des femmes…

— Nous nous haïssons comme des hommes, nous pouvons nous battre comme des hommes.

— Sans témoins ?

— Chacune de nous va écrire quelques mots qui attesteront la loyauté de notre combat. Cela suffira. La survivante anéantira son écrit.

— Mais…

— Vous hésitez ! J’en étais sûre, dit Amélie avec un inexprimable dédain et en jetant les épées sur une table.

— J’accepte ! s’écria Marianna.

— Écrivons donc.

L’instant d’après, on eût pu voir un étrange spectacle dans cette salle, éclairée par les lueurs incertaines d’un jour pluvieux. Deux femmes jeunes et belles toutes deux, se battaient à l’épée. Le regard flamboyant, la joue pâle et le souffle suspendu, elles s’épiaient, cherchant à se frapper au cœur. Jamais on n’eût assisté à un combat plus sobre de mouvements. L’art y était méconnu peut-être, du moins de la part de Marianna,