prétendit que c’était Euripide lui-même que l’on venait de siffler.
Sans prendre parti pour cette tentative, on peut avancer néanmoins qu’elle ne méritait pas un sort aussi cruel. Cubières, se conformant scrupuleusement aux justes critiques du grand Arnaud, de Fénelon, de l’abbé d’Olivet, de Luneau de Boisjermain, a supprimé dans son œuvre l’amour d’Hippolyte pour Aricie et tout cet attirail de galanterie de ruelles par lequel, selon la sévère expression de Voltaire, Racine a avili les grands sujets de l’antiquité. En compensation, fidèle à l’exemple d’Euripide, il a fait revenir sur le théâtre Hippolyte mourant. Peut-on le blâmer d’avoir restitué à la tradition historique une scène des plus déchirantes et du plus pathétique effet ?
Quant au style, quoiqu’en général il manque de fermeté, il est loin d’être aussi faible, aussi négligé qu’on a prétendu. Quelques parties sont écrites avec élégance ; le reste n’est qu’une paraphrase suffisante, comme dans le récit de Théodas, — qui n’est que Théramène déguisé :
La mer était tranquille : et, pleins de ses douleurs,
Nous étions sur la rive et nous versions des pleurs.
À son char attelés, ses coursiers intrépides
L’attendaient sur le bord des campagnes liquides ;
Il monte, le front triste et le cœur agité ;
Le char roule et fend l’air avec rapidité.
Des yeux nous le suivons : mais il entrait à peine
Dans l’aride désert qui termine la plaine,
Qu’un bruit épouvantable aussitôt retentit ;
Des coursiers étonnés l’essor se ralentit ;
Ils s’arrêtent, du pied ils frappent la poussière,
Et dressent, hennissants, leur superbe crinière.