ses lecteurs et demeurer l’homme de son époque : dès qu’il le veut, il est plus Dorat que Dorat, plus Florian que Florian ; ses madrigaux affadissent le cœur, ses bouquets à Chloris donnent des nausées. Il y a du troubadour et de l’Arlequin en lui ; le luth et la batte se partagent ses prédilections.
En ce qui concerne ses pièces de théâtre, — j’entends celles où la politique n’entre pour rien, — je ne crois pas me hasarder trop en plaçant le Cousin Jacques immédiatement après Sedaine. Il a bien la touche plus molle, le dialogue plus étendu et plus bavard, mais au fond c’est le même sentiment, ce sont les mêmes préceptes d’honnêteté et de franchise. Il sait transporter la poésie au théâtre, même dans les plus petits détails et dans les indications de scène ; en voici un exemple tiré du Club des bonnes gens : « Le théâtre représente deux jardins contigus, séparés par un mur mitoyen. Dans le jardin, à gauche, côté de la reine, est un berceau de feuillage sous lequel est assis le curé, d’un air rêveur, tenant des journaux ; vis-à-vis de ce berceau, contre le mur, Nigaudinet est monté sur une double échelle et taille des arbres : — au fond, devant la porte de la maison du curé, Nanette file au rouet. Dans l’autre jardin, sous un berceau de fleurs, Élise brode un gilet. Au fond de ce jardin est un moulin à eau, dont la roue baigne dans un étang ; — à la fenêtre du moulin, qui est très-élevée, on voit le meunier Thomas, avec une veste blanche, un bonnet blanc et une figure bourgeonnée, vider seul une bouteille de vin et regarder sa fille de temps en temps. »
Ne voilà-t-il pas tout un tableau, gai, bien éclairé et de bonne couleur ?