ciens, les étouffeurs, comme il les appelle. La préface de ce livre, écrite avec un emportement vraiment très-beau, remue d’excellentes idées au milieu de quelques folies sur lesquelles il faut fermer les yeux avec indulgence : « C’est la serpe académique, instrument de dommages, qui a fait tomber nos antiques richesses ; et moi, j’ai dit à tel mot enseveli : Lève-toi et marche ! Quand Corneille s’est présenté à l’Académie avec son mot invaincu, on l’a mis à la porte. Mais moi, qui sais comment on doit traiter la sottise et la pédanterie, je marche avec une phalange de trois mille mots, infanterie, cavalerie, hussards. S’il y a beaucoup de morts et de blessés dans le combat, eh bien, j’ai une autre armée en réserve, je marche une seconde fois, car je brûle de culbuter tous ces corps académiques, qui n’ont servi qu’à rétrécir l’esprit de l’homme. » Tels sont les termes vivaces dont il se sert ; ses phrases pétillent comme une poignée de sarments dans un brasier. Un peu plus loin, il ajoute : « Pour prix de mes intentions libérales et d’un assez long travail, on me prodiguera ces injures qui m’ont toujours trouvé calme et indifférent. Je serai un barbare. Mais il y a vingt-cinq ans que j’ai mis sous les pieds louanges et critiques, éloges et satires, non par orgueil, mais pour être plus libre dans ma manière de voir et d’écrire. Je donne, c’est au public à recevoir. Je le dispense de toute reconnaissance ; mais qu’il apprenne une bonne fois de ma bouche que je me regarde comme son instituteur, et non point comme son esclave ! » Tout cela est entraînant, on ne peut se dispenser d’en convenir. Il y a comme une réminiscence de la fameuse apostrophe d’Euripide aux Athéniens, un jour que ceux-ci s’obs-
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