le dire aussi : Mercier était généralement aimé et estimé ; son bonheur était de rendre service, et il le faisait avec une délicatesse, un empressement qui lui gagnaient tous les cœurs. Jamais il ne connut l’envie, et ce fut un des premiers qui signalèrent Chateaubriand à l’attention du public[1].
On a paru lui reprocher ses liaisons avec Rétif de la Bretonne et Dorat-Cubières, et l’on a dit qu’à eux trois ils formaient le triumvirat du mauvais goût. En ce qui concerne ce dernier, je n’en fais pas beaucoup de cas ; mais, pour Rétif de la Bretonne, c’est autre chose : je comprends les affinités qui devaient unir l’auteur du Tableau de Paris à l’auteur des Contemporaines ; il y a une parenté incontestable dans leur talent et surtout dans la forme de leur talent. Tous deux sont bien les annonciateurs d’une révolution littéraire, et tous deux devaient se rencontrer. Voici du reste l’historique de leur intimité. Sans connaître Rétif de la Bretonne autrement que par ses romans, Mercier, emporté par ce caractère généreux qui le portait à jouir des productions d’autrui, consacra un chapitre du Tableau au Paysan perverti et à son auteur. Le pauvre Rétif, qui n’était pas accoutumé à pareille aubaine, lui écrivit une lettre toute surprise et qui dut bien faire sourire
- ↑ « Atala porte le caractère d’un écrivain fait pour imposer
silence à la tourbe des niais critiques dont notre sol abonde.
J’aime le style d’Atala, parce que j’aime le style qui, indigné des
obstacles qu’il rencontre, élance pour les franchir ses phrases
audacieuses, offre à l’esprit étonné des merveilles nées du sein
même des obstacles. Allumez-vous au milieu de nous, volcans des
arts !… »
(Néologie, xlix.)