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FRÉDÉRIC SOULIÉ

plus avec une plume, c’était avec un charbon rouge qu’il écrivait. Son diable n’avait aucune des traditions de Lewis ou de Maturin ; il était vêtu de noir et de blanc comme un valseur, mais il était réel comme un procureur du roi. Cela le rendait encore plus effrayant à voir et à lire. — Frédéric Soulié, qui l’avait appelé à lui pour fuir la misère et l’obscurité, une nuit que ses larmes tombaient silencieusement sur ses vers inconnus et sur ses histoires d’amour incomprises, dut hésiter avant de se cramponner à la queue du manteau qui allait l’enlever de terre. Il renonçait pour longtemps, pour toujours peut-être, aux douces causeries avec la muse de sa jeunesse et de son cœur ; il partait pour un voyage lointain et hardi, à travers les routes tortueuses du monde, les alcôves, les boudoirs, les comptoirs, les estaminets et la cour d’assises. Il pouvait ne pas revenir de ce voyage.

Il n’en est pas revenu, en effet.

À dater de cette heure, sa littérature est devenue une littérature à coups de pistolet, un couteau incessamment plongé et remué dans la gorge de l’humanité, une perpétuelle cause célèbre. À peine si de temps en temps