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GÉRARD DE NERVAL

dans le salon du journal, — j’eus l’audace de l’inviter à dîner. Nous allâmes au restaurant. Je ne me lassai pas de l’entendre ; il aimait à causer, mais à ses heures et à ses aises ; un peu prolixe, amoureux des détails infinitésimaux, il avait dans la voix une lenteur et un chant auxquels on se laissait agréablement accoutumer.

Après le dîner, — qui avait été très-ordinaire, — Gérard me prit sous le bras, et je commençai avec lui, dans Paris, une de ces promenades qu’il affectionnait tant. Il me fit faire une lieue pour aller boire de la bière sous une tonnelle de la barrière du Trône, m’affirmant que ce n’était que là qu’on en buvait de bonne. Elle était servie dans des cruchons particuliers et apportée par deux demoiselles dont les cheveux abondants et roux faisaient l’admiration de Gérard de Nerval. Admiration toute paisible et extatique. — En revenant, il voulut que nous abrégeassions le chemin par une station au Petit Pot de la Porte Saint-Martin, où l’on prend des raisins de Malaga confits dans le sucre et l’alcool. Il mettait un amour-propre enfantin et une ardeur très-grande à la recherche de ces spé-