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LES RESSUSCITÉS

homme, en proie à ses innocentes extases, avait un beau visage et un beau langage !

Il se trouvait à Bruxelles, une fois. À Bruxelles, Jean Journet se met en tête de pénétrer dans le parc royal et d’avoir un entretien avec Sa Majesté Léopold. Il veut voir en face un front couronné et lui parler des misères sociales. Il entre. — Qui vive ? lui crie-t-on. — Apôtre, répondit-il. Et il passe. Mais, parvenu dans l’antichambre, il est arrêté par des secrétaires qui le questionnent et se mettent à le turlupiner. C’est un fou, dit-on ; et ce mot circulant de bouche en bouche, on renvoie Jean Journet, on le chasse. Le triste et fier poëte, qui avait fait un voyage inutile, passa la nuit devant les grilles du jardin ; au réveil, il avait composé une de ses meilleures pièces de vers, le Fou, la plus navrante que nous connaissions de lui :

Au pied de ce palais où son destin l’appelle,
Voyez, tout près du parc, loin de la sentinelle,
Voyez ce mendiant…
Lorsque l’aube paraît, quand le soleil se couche,
De mots mystérieux que Dieu met dans sa bouche,
Il poursuit le passant.

Voilà où nous en sommes arrivés. De cette qualité si rare et si admirable, — l’enthou-