« S’il est infortuné, sois prodigue de tes caresses ; que ton âme environne la sienne, que ta chair soit insensible aux vents et aux douleurs. Moi, qui m’appelle Celuta, je pleure maintenant sous le plaqueminier ; je suis la fille de la femme qui repose sous le gazon. »
Ainsi chante une jeune fille couronnée de fleurs de magnolia et vêtue d’une robe blanche d’écorce de mûrier. Assise au milieu des Indiens, sur l’herbe semée de verveine empourprée et de ruelles d’or, René l’écoute et la regarde d’un air attendri.
Le voilà bien loin du pays breton. Cette soif de solitude qui le tourmente comme tous les génies austères, il peut l’assouvir maintenant. Entre Dieu et lui la civilisation ne tend plus ses voiles. Son cœur souffre toujours, mais sa pensée grandit et se dégage. Laissez faire : peu à peu le soleil du désert dissipera sur son front l’ombre des bois de Combourg.
Il est probable que, sans le voyage en Amérique, Chateaubriand n’eut jamais été qu’un timide élève de La Harpe et de Ginguené, — un poète de salon tenu perpétuellement en bride par les guirlandes artificielles de la coterie académique. Tout au plus se fût-il élevé