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petits mémoires littéraires

pensée supérieure, de l’aveu de tous. S’il s’est tué, il a bien fait. Son exemple m’autorise à me tuer comme lui, lorsque je le voudrai, et lorsque je croirai mon heure venue. »

Le malheur est que le pauvre enfant a horriblement hâté son heure, et qu’il s’est tué à dix-huit ans.

C’est son père qui a chargé le pistolet.

C’est Paradol père qui a tué Paradol fils, par delà les mers et par delà les années.

L’orgueilleux écrivain, à qui je suppose une profonde hésitation au moment suprême, se sera peut-être dit : « L’enfant que je laisse après moi réagira contre mon mystérieux attentat et tentera de s’élever au-dessus de moi-même. »

Hélas ! il ignorait qu’il laissait un être aussi faible que lui, plus désarmé que lui, et qui, sans ressort, sans énergie native, sans grande pensée pour guide, sans but audacieux, au premier malheur, à la première déception, aveuglé, fou, devait se jeter du premier coup dans les bras de la mort, que lui avait entr’ouverts le fantôme paternel !