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petits mémoires littéraires

principales affections, on pouvait croire qu’il ne se sentait pas encore condamné. Je me proposai d’aller le voir le lendemain.

Le lendemain, c’était le 11 avril, c’était le vendredi saint.

Ce devait être le dernier jour de M. de Villemessant.

Il y a une légende sur ce dernier jour : l’entretien de M. de Villemessant avec Me Ledet, notaire de Monaco ; sa signature tracée d’une écriture ferme au bas d’un acte ; le point sur l’i posé après coup ; les deux visites de Mgr Theuret, évêque d’Hermopolis, la deuxième suivie de la confession de M. de Villemessant (le temps a manqué pour la communion), etc. etc.

La légende dit vrai en ce qui concerne sa fermeté d’esprit (j’aime mieux ce mot que celui de sérénité). Lui qui avait eu toute sa vie une peur excessive de la mort, qui n’allait jamais aux enterrements, il envisageait sa fin avec tranquillité, et en causait comme d’une affaire. Et cependant, il ne l’avait pas prévue si rapide !

Dès le matin de ce jour, on avait à constater une transformation fâcheuse dans sa physionomie. Son front dur et bien modelé était devenu jaune ; son regard, ce regard si perçant, si altier, était complètement éteint ; la langue était enflée et pendante. Du reste, tout son corps était enflé ; c’était bien le commencement de la fin ; la décomposition du sang n’était que trop constatée, et l’on pouvait prévoir, à quelques instants près, l’heure à laquelle il rendrait le dernier soupir.

Ce moment se produisit vers neuf heures du soir. Madame Bourdin, avertie enfin par dépêche télégra-