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petits mémoires littéraires

Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie. Cela me dispense d’entrer dans des détails biographiques à la portée de tous. D’ailleurs sa vie est une des plus connues, comme son portrait est un des plus populaires. Personne ne s’est autant que lui répandu, livré, mêlé à la foule. Il a continuellement vécu dans des maisons ouvertes, rue Notre-Dame-des-Champs, place Royale, rue d’Isly, rue de la Tour-d’Auvergne, rue de Clichy, et enfin avenue Victor Hugo.

À l’époque de son avènement au fauteuil académique, le catalogue de ses œuvres s’arrêtait aux Rayons et aux Ombres inclusivement. Il y ajouta peu de temps après la trilogie des Burgraves et les lettres sur le Rhin, deux ouvrages qui se tiennent et s’expliquent l’un par l’autre.

Puis, vinrent les événements de 1848. M. Victor Hugo oublia de plus en plus l’Académie. Enfin, le coup d’État de 1851 l’en sépara violemment. Il prit le chemin de l’exil.

Hâtons-nous de dire que l’Académie française sut se comporter dignement et qu’elle maintint toujours sur la liste le nom de Victor Hugo, — à la place d’honneur, la place des absents. De son côté, une institution plus modeste et relevant des gouvernements par leurs bienfaits, la Société des gens de lettres, lui conserva ostensiblement le titre de président qu’il en avait accepté autrefois. Je sais bien que ces deux compagnies ne firent que leur devoir, mais il est des époques où rien n’est plus difficile à faire que le devoir.

Ce n’est qu’une vingtaine d’années plus tard que M. Victor Hugo est revenu occuper son fauteuil, le fauteuil de Corneille ; — et, comme jadis pour Corneille vieilli et blanchi, les assistants se sont levés, pleins d’émotion et de respect…