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petits mémoires littéraires

Il s’est contenté de développer quelques-unes de ses qualités d’observation dans des proportions tour à tour colossales et familiéres. Mais il se substitue trop souvent au conteur.

La première qualité d’un romancier doit être l’impersonnalité. Cela n’a pas besoin d’être démontré. Malheureusement, la plupart des romanciers de notre époque ne possèdent pas cette qualité. Tous les personnages de Balzac parlent comme Balzac. Vautrin parle comme Balzac. Mercadet parle comme Balzac. Gaudissart parle comme Balzac. Rastignac parle comme Balzac. Quinola parle comme Balzac. Le Cousin Pons parle comme Balzac.

Il en est de même de Victor Hugo romancier. J’excepte cette brillante Notre-Dame de Paris, composition de jeunesse, écrite sous l’influence de Walter Scott et égale aux meilleurs romans du grand Écossais. Mais les Misérables mais les Travailleurs de la mer, mais l’Homme qui rit, tout le monde y parle comme Victor Hugo. Jean Valjean parle comme Victor Hugo. Mgr Myriel parle comme Victor Hugo. Javert parle comme Victor Hugo. M. Gillenormand parle comme Victor Hugo. Thénardier parle comme Victor Hugo. Courfeyrac, Enjolras et Laigle de Meaux parlent comme Victor Hugo. Ce sont les mêmes cliquetis de mots, les mêmes tirades, éperdues, affolées, magnifiques, vertigineuses.

Et dans Quatre-vingt-treize, qui fourmille de tant de splendeurs, se retrouve le même système. Dantou, Robespierre et Marat sont réunis dans un cabaret de la rue du Paon ; ils causent entre eux, mais c’est Victor Hugo qui parle par leur bouche.

Voici ce que dit Robespierre-Hugo :

— « La guerre étrangère n’est rien, la guerre civile