l’ami attendri de tout ce qui est faible, solitaire, contristé ; de tout ce qui est orphelin : attraction paternelle. Le fort devine un frère dans tout ce qui est fort, mais voit ses enfants dans tout ce qui a besoin d’être protégé ou consolé. C’est de la force même et de la certitude qu’elle donne à celui qui la possède que dérive l’esprit de justice et de charité. Ainsi se produisent sans cesse dans les poèmes de Victor Hugo ces accents d’amour pour les femmes tombées, pour les pauvres gens broyés dans les engrenages de nos sociétés, pour les animaux martyrs de notre gloutonnerie et de notre despotisme. Même dans ses petits poèmes consacrés à l’amour sensuel, dans ses strophes d’une mélancolie si voluptueuse et si mélodieuse, on entend, comme l’accompagnement d’un orchestre, la voix profonde de la charité. Sous l’amant, on sent un père et, un protecteur. La morale n’entre pas dans cet art à titre de but ; elle s’y mêle et s’y confond comme dans la vie elle-même. Le poète est moraliste sans le vouloir, par abondance et plénitude de nature. »
Ces lignes de Baudelaire, et les deux ou trois chapitres de l’Histoire du romantisme, de Théophile Gautier, représentent ce qui a été écrit de plus raisonnable jusqu’à présent sur Victor Hugo. Il n’y a décidément que les poètes pour parler des poètes.