Page:Monselet - Petits mémoires littéraires, 1885.djvu/240

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
232
petits mémoires littéraires

voiture, et toute cette scène disparut bientôt, laissant dans les âmes une impression ineffaçable et attachant à ces lieux, déjà pleins de souvenirs, une nouvelle et triste célébrité. »

Le duc de Noailles ne suivit pas Charles X dans l’exil ; peut-être en eut-il un instant la tentation, mais il crut qu’il pouvait être plus utile à la cause légitimiste en restant en France. Il revint donc occuper sa place à la Chambre des pairs, et l’attitude qu’il sut y prendre, dès les premiers jours, prouva qu’il avait eu raison. Les hommes du temps de Louis-Philippe ont conservé le souvenir des discours qu’il prononça, et qui lui valurent en peu de temps une autorité et un crédit politiques qu’on obtient rarement à son âge. Un éloge de M. de Dreux-Brézé fut particulièrement et justement remarqué.

Jusqu’alors, il me semble difficile de préciser à quel point l’amour des lettres avait pu le pénétrer. Ses relations, disent les uns, ses instincts, disent les autres, le guidèrent vers l’Abbaye-aux-Bois. Je ne saurais rien avancer à cet égard. Toutefois est-il que M. de Noailles devint bientôt un des hôtes les plus assidus du salon de Madame Récamier, ce salon qui eut à un certain moment l’importance et surtout l’influence d’un grand bureau d’esprit. Il s’y trouva en contact direct et fréquent avec la plupart des intelligences supérieures de l’époque ; et, dès ce moment, il n’est pas impossible qu’il ait eu la vision de son avenir académique.

La condition d’un bagage littéraire quelconque n’était pas faite pour l’embarrasser. N’avait-il pas eu pour devanciers des grands seigneurs parfaitement innocents de tout ouvrage de tête, aux doigts absolument vierges d’encre ? Ne pouvait-il pas évoquer le souvenir du maréchal de Belle-Isle, du maréchal d’Es-