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petits mémoires littéraires

comme Gabrielle, conçue dans les mêmes sentiments d’étroitesse et de conciliation que Gabrielle, écrite aussi inégalement que Gabrielle. Quel beau titre cependant : la Jeunesse ! À quoi ne s’attendait-on pas ? Mais quelle déception ! Dans cet ouvrage cruellement lourd, M. Augier a prétendu prouver que les jeunes gens de notre siècle manquent en général d’élévation, de franchise, d’enthousiasme. À l’appui de cette proposition, il a pris pour héros un avocat, je ne discute pas ce choix ; mais du moment que l’auteur s’attachait à une profession, sa pièce devenait spéciale et devait s’appeler la Jeunesse des avocats. — Cet avocat a vingt-huit ans sonnés, il le dit lui-même ; nous n’avons donc pas affaire avec la première jeunesse, et il ne faut pas s’attendre à des étourderies couronnées de cheveux blonds, non plus qu’à des fautes atténuées par un frais sourire.

M. Émile Augier, après avoir indiqué tant bien que mal les malaises de la jeunesse… de vingt-huit ans, a cru de son devoir d’indiquer un remède : il a inventé la campagne. Il a conduit tous ses personnages au vert et célébré, avec un attendrissement auquel les quatre actes précédents n’avaient préparé personne, le ciel bleu, le grand air, les boutons d’or, l’odeur des terres retournées, les oiseaux et la salubrité des vastes logements.

Répéterai-je que j’étais un des spectateurs de la première représentation de la Jeunesse ? Oui, lorsque ce ne serait que pour affirmer que j’ai vu, de mes propres yeux vu, un gazon authentique figurant dans le décor du cinquième acte. Voilà de ces prodigalités auxquelles on ne se serait guère attendu de la part de l’Odéon ! De l’herbe véritable !

La même année vit se produire au Vaudeville les