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petits mémoires littéraires

chant à placer son prix décennal, détacha une feuille du laurier de Gabrielle pour en orner la Fille d’Eschyle. C’était la couronne tout entière que méritait la pièce de M. Autran.

Tout autre que lui, après de tels encouragements, aurait suivi cette veine heureuse du théâtre. Jamais aucun Marseillais ne s’était trouvé à pareille fête, — pas même Méry, pas même Gozlan, si épris de la chimère dramatique. Et cependant M. Autran rebroussa chemin tout à coup, au grand étonnement des Parisiens. On n’entendit plus parler de lui à l’Odéon, pas plus que s’il n’y avait jamais été joué. Il était retourné dans sa ville natale.

Ce renoncement à un brillant avenir a été interprété de plusieurs façons. On a prétendu qu’un rayon de fortune, s’étant glissé dans son logis par la porte restée entrouverte, en avait chassé l’ambition. Dès lors, gagné au bonheur facile, au travail indépendant, châtelain de plusieurs châtellenies, Joseph Autran s’était enfermé dans l’œuvre caressée, dans sa grande symphonie, comme Beethoven.

Cette symphonie se compose de fragments importants qui parurent à plusieurs intervalles ; ce sont :

Les Poèmes de la mer ;

Laboureurs et Soldats ;

La Vie rurale ;

Les Épîtres rustiques ;

Le Poème des beaux jours.

Voilà l’œuvre complète, sans cesse retravaillée, souvent refondue, de Joseph Autran. Elle est noble et digne, et animée du plus pur esprit chrétien. Les aspects en sont innombrables et variés à souhait. C’est le talent dans une de ses plus hautes expressions. En-