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petits mémoires littéraires

sa femme, de 1831 à 1835. La petite écuyère qu’il avait épousée était devenue l’auteur excentrique d’Indiana ; tous les jours, on lui apprenait une de ses frasques nouvelles ; elle s’habillait en homme et fumait ; elle vivait dans un milieu de républicains comme Félix Pyat, de pianistes comme Liszt, de prêtres comme Lamennais. Elle partait avec Alfred de Musset pour l’Italie et y demeurait une année entière.

Puis, elle s’en revenait tranquillement à Nohant, où elle trouvait son mari faisant sa moisson. Elle se couchait quand il se levait, rentrait après minuit, en revenant de chez le Malgache.

Doit-on s’étonner outre mesure si la patience a pu quelquefois échapper à M. Dudevant ? Quel tempérament, si angélique qu’il fût, aurait résisté à pareil spectacle ?

Bientôt cette vie leur fut intolérable à tous les deux ; les tribunaux furent saisis de leur demande en séparation. Elle fut prononcée en 1836.


Si vous avez visité, en ces dernières années, l’exposition de Gustave Courbet, au palais des Beaux-Arts, vous y aurez remarqué un portrait qui revient plusieurs fois.

C’est celui d’un homme barbu offrant une vague ressemblance avec Michel-Ange. Il figure tantôt dans l’atelier du peintre, immense toile qualifiée d’Allégorie réelle sur le livret ; d’autres fois, seul, lisant un volume ou feuilletant un carton à estampes. Peu de personnes, excepté les premiers amis de Courbet, — dont je faisais partie, — pourraient mettre un nom au-dessous de cet individu.