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petits mémoires littéraires

guéri trop tôt ; au bout de huit jours, il voulut présider un repas d’anniversaire. Lui-même a raconté ce repas au cher métromane François Grille, — qui, pendant ces huit jours, n’avait cessé, comme on pense, de l’accabler de condoléances sur tous les rythmes connus.

« Je n’avais invité que six convives, mais six bons convives, dont faisait partie l’abbé Lavigerie. Mon excellent ami Bourgat, directeur des douanes à Bayonne, qui a fait le mariage de mon fils, et qui ne fut pas étranger à celui de ma fille, m’avait envoyé un excellent jambon glacé. J’y fis ajouter un chapon monstre, bourré de truffes.

» Après la soupe, on versa du xérès ; après le poisson, du vin du Rhin ; puis d’excellent médoc, du sauterne délicieux, dont cinquante bouteilles venaient de m’arriver de Bordeaux ; du chambertin, qui me coûte cinq francs la bouteille chez le propriétaire. Je me suis avisé de lire au dessert mes versiculets faits en omnibus ; tous les convives en ont ri, et M. l’abbé le premier. On a fini par du Champagne Moët ; et voilà ! »

Notez bien cet abbé, nous le retrouverons tout à l’heure.

Van den Zande paya cette imprudence d’une rechute. Son genou se gonfla ; il fallut y appliquer un vésicatoire. Il s’alita avec la fièvre. Son dernier billet de quinze lignes à Grille est encore une prière, et qu’il était permis de croire irrésistible : « Mon cher monsieur… je ne suis plus en état d’écrire ni de recevoir des lettres ; je vous prie de trouver bon que notre correspondance reste suspendue jusqu’à mon rétablissement.  »

Grille fit la sourde oreille. Un sentiment d’humanité, plus fort que tout autre, le guidait évidemment. Le gendre de Van den Zande fut forcé de s’en mêler :