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petits mémoires littéraires

ce vieux malin de Bouilly. « Il vint, après la première représentation de notre ouvrage, se jeter dans mes bras avec l’élan de la joie et de la reconnaissance ; et je lui dis, en partageant la douce émotion qu’il éprouvait… »

Écoutez, oh ! écoutez l’extraordinaire discours du père Bouilly :

« N’oubliez jamais que le moyen le plus sûr de vous faire un nom c’est de vous livrer avant tout à la vérité du chant. Laissez vos rivaux, sacrifiant au goût du jour, mettre la statue dans l’orchestre ; placez-la toujours sur le théâtre, c’est-à-dire dans la bouche de vos acteurs. »

Une statue dans une bouche !

Et l’on parle de nos Prud’hommes !

Ces choses-là se passaient en 1813. Le Séjour militaire eut pour résultat de tenir Auber éloigné du théâtre pendant cinq ou six ans. Au bout de ce temps, il s’adressa à Planard, qui ne valait guère mieux que Bouilly.

Planard lui délivra, l’un après l’autre, deux pots de pommade, c’est-à-dire deux livrets étiquetés : le premier la Bergère châtelaine ; le second, Emma ou la Promesse imprudente. Vous voyez cela d’ici. Auber, qui commençait déjà à n’être plus le jeune Auber, triompha de ces deux produits ; — mais il ne se trouva complètement que lorsqu’il eut rencontré Scribe. Ce jour-là, il y eut rupture complète avec le ridicule.

Alors, il se sentit complètement maître de l’Opéra-Comique, et même de l’Opéra, et l’on sait ce que cette association a valu d’œuvres charmantes à ces deux théâtres.

Je ne suis pas ici pour apprécier la valeur d’Auber.