flammes le coffret vide. M. Labroue vit la porte du pavillon ouverte, et devinant un crime, s’élança. Jacques allait sortir. Les deux hommes se trouvèrent face à face. Le contremaître, après ce qu’il avait fait déjà, ne pouvait plus s’arrêter. Il fallait désormais aller jusqu’au bout. Il tira de sa poche un couteau catalan et l’ouvrit.
« À moi ! au secours ! » cria l’ingénieur.
Jacques bondit. M. Labroue, frappé en pleine poitrine, tomba pour ne plus se relever. Jeanne était arrivée juste à ce moment. Nous savons le reste.
La malheureuse jeune femme que nous avons laissée à genoux dans la campagne, égarée, frémissante, regardait d’un œil agrandi par l’épouvante les flammes qui montaient toujours, et serrait contre sa poitrine son enfant à demi mort de frayeur.
Tout à coup, au loin, retentit la sonnerie vibrante d’un clairon. Dans plusieurs directions se fit entendre le cri : Au feu ! Ces cris se rapprochèrent. Jeanne se releva d’un mouvement brusque.
« Ah ! se dit-elle, je suis perdue ! Il a raison, ce misérable qui se venge de mes refus… On m’accusera… Mais !… je me justifierai… j’ai sa lettre… qui témoignera contre lui. »
Soudain la jeune femme porta les deux mains à son front, par un geste de folle, et poursuivit, éperdue, haletante :
« Sa lettre… mais je ne l’ai pas… Elle est restée là-bas… Ah ! j’irai la chercher… je la retrouverai… et je n’aurai plus rien à craindre de l’accusateur… J’aurai une arme pour me défendre… »
Jeanne allait s’élancer vers l’usine. À trente pas d’elle, elle vit un groupe d’hommes courir à travers champs, et le vent lui apporta les paroles suivantes :
« Je parie que c’est cette coquine de Jeanne Fortier qui a mis le feu. Ça ne pouvait pas finir autrement. La misérable a menacé devant moi M. Labroue !… »
Jeanne avait reconnu la voix du caissier Ricoux.
« Et je me laisserais accuser ainsi lorsque je peux me défendre ! pensait-elle. Non ! Non ! Cette lettre qui