Page:Montaiglon - Recueil général et complet des fabliaux des 13e et 14e siècles, tome I.djvu/148

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fabliau viii

C’est son mari qui la deçoit.
Quant el le prist à aperçoivre,
Si repensse de lui deçoivre ;
85Fame a trestout passé Argu[1] ;
Par lor engin sont decéu
Li sage dès le tens Abel.
« Sire, fet-ele, moult m’est bel
Que tenir vous puis et avoir ;
90Je vous donrai de mon avoir,
Dont vous porrez vos gages trère.
Se vous celez bien cest afère.
Or alons ça tout belement,
Je vous metrai privéement
95En .I. solier dont j’ai la clef :
Iluec m’atendrez tout souef.
Tant que noz genz auront mengié ;
Et quant trestuit seront couchié,
Je vous menrai souz ma cortine ;
100Jà nus ne saura la couvine.
— Dame, fet-il, bien avez dit. »
Diex, comme[2] il savoit or petit
De ce qu’ele pensse et porpensse !
Li asniers une[3] chose pensse.
105Et li asnes pensse tout el ;
Tost aura-il mauvès ostel,
Quar quant la dame enfermé l’ot
El solier dont issir ne pot,
A l’uis del vergier retorna.
110Son ami prist qu’ele trova.
Si l’enbrace et acole et baise ;

  1. 85 — « Argu », « Argus », personnification de la vigilance.
  2. 102 — com, lisez comme.
  3. 104 — * une ; ms., un.