Page:Montaigne - Essais, Éd de Bordeaux, 1.djvu/105

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avoit une belle robe.

Vos, ô patritius sanguis, quos vivere par est
Occipiti, caeco, posticae occurrite sannae.

Qui regardera de bien pres à ce genre de gens, qui s’estand bien loing, il trouvera, comme moy, que le plus souvent ils ne s’entendent, ny autruy, et qu’ils ont la souvenance assez pleine, mais le jugement entierement creux, sinon que leur nature d’elle mesme le leur ait autrement façonné : comme j’ay veu Adrianus Turnebus, qui, n’ayant faict autre profession que des lettres, en laquelle c’estoit, à mon opinion, le plus grand homme qui fut il y a mil’ ans, n’avoit toutesfois rien de pedantesque que le port de sa robe, et quelque façon externe, qui pouvoit n’estre pas civilisée à la courtisane, qui sont choses de neant. Et hai nos gens qui supportent plus malaysement une robe qu’une ame de travers, et regardent à sa reverence, à son maintien et à ses bottes, quel homme il est.

Car au dedans c’estoit l’ame la plus polie du monde. Je l’ay souvent à mon esciant jetté en propos eslongnez de son usage ; il y voyoit si cler, d’une apprehension si prompte, d’un jugement si sain, qu’il sembloit qu’il n’eut jamais faict autre mestier que la guerre et affaires d’Estat. Ce sont natures belles et fortes,

queis arte benigna
Et meliore luto finxit praecordia Titan,

qui se maintiennent au travers d’une mauvaise institution. Or, ce n’est pas assez que nostre institution ne nous gaste pas, il faut qu’elle nous change en mieux. Il y a aucuns de nos Parlemens, quand ils ont à recevoir des officiers, qui les examinent seulement sur la science ; les autres y adjoutent encores l’essay du sens, en leur presentant le jugement de quelque cause. Ceux cy me semblent avoir un beaucoup meilleur stile ; et encore que ces deux