Page:Montaigne - Essais, Éd de Bordeaux, 2.djvu/200

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Hinc pecudes, armenta, viros, genus omne ferarum,
Quemque sibi tenues nascentem arcessere vitas,
Scilicet huc reddi deinde, ac resoluta referri
Omnia : nec morti esse locum :

d’autres, qu’elles ne faisoyent que s’y resjoindre et r’attacher : d’autres, qu’elles estoyent produites de la substance divine : d’autres, par les anges, de feu et d’air. Aucuns de toute ancienneté : aucuns, sur l’heure mesme du besoin. Aucuns les font descendre du rond de la Lune, et y retourner. Le commun des anciens, qu’elles sont engendrées de pere en fils, d’une pareille maniere et production que toutes autres choses naturelles : argumentants cela par la ressemblance des enfans aux peres,

Instillata patris virtus tibi :
Fortes creantur fortibus et bonis :

et qu’on void escouler des peres aux enfans, non seulement les marques du corps, mais encores une ressemblance d’humeurs, de complexions, et inclinations de l’ame.

Denique cur acrum violentia triste leonum
Seminium sequitur, dolus vulpibus, Et fuga cervis
A patribus datur, Et patrius pavor incitat artus,
Si non certa suo quia semine seminioque,
Vis animi pariter crescit cum corpore toto ?

que là dessus se fonde la justice divine, punissant aux enfans la faute des peres : d’autant que la contagion des vices paternels est aucunement empreinte en l’ame des enfans, et que le desreglement de leur volonté les touche.

Davantage, que si les ames venoyent d’ailleurs, que d’une suitte naturelle, et qu’elles eussent esté quelque autre chose hors du corps, elles auroyent recordation de leur estre premier ; attendu les naturelles facultez, qui luy sont propres, de discourir, raisonner et se souvenir.