Page:Montaigne - Essais, Éd de Bordeaux, 2.djvu/77

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grammaire : et eux ont raison n’ayans esté gagez que pour cela, et n’ayans mis en vente que le babil, de ne se soucier aussi principalement que de ceste partie. Ainsin à force beaux mots ils nous vont patissant une belle contexture des bruits, qu’ils ramassent és carrefours des villes. Les seules bonnes histoires sont celles, qui ont esté escrites par ceux mesmes qui commandoient aux affaires, ou qui estoient participans à les conduire, ou au moins qui ont eu la fortune d’en conduire d’autres de mesme sorte. Telles sont quasi toutes les Grecques et Romaines. Car plusieurs tesmoings oculaires ayans escrit de mesme subject (comme il advenoit en ce temps là, que la grandeur et le sçavoir se rencontroient communement) s’il y a de la faute, elle doit estre merveilleusement legere, et sur un accident fort doubteux. Que peut on esperer d’un medecin traictant de la guerre, ou d’un escholier traictant les desseins des Princes ? Si nous voulons remerquer la religion, que les Romains avoient en cela, il n’en faut que cet exemple : Asinius Pollio trouvoit és histoires mesme de Cæsar quelque mesconte, en quoy il estoit tombé, pour n’avoir peu jetter les yeux en tous les endroits de son armée, et en avoir creu les particuliers, qui luy rapportoient souvent des choses non assez verifiées, ou bien pour n’avoir esté assez curieusement adverty par ses Lieutenans des choses, qu’ils avoient conduites en son absence. On peut voir par là, si ceste recherche de la verité est delicate, qu’on ne se puisse pas fier d’un combat à la science de celuy, qui y a commandé ; ny aux soldats, de ce qui s’est passé pres d’eux, si à la mode d’une information judiciaire, on ne confronte les tesmoins, et reçoit les objects sur la preuve des ponctilles, de chaque accident. Vrayement la connoissance que nous avons de nos affaires est bien plus lasche. Mais cecy a esté