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ESSAIS DE MICHEL
DE MONTAIGNE

LIVRE TROISIESME.

De l’utile et de l’honneste.
Chap. XXVIII.


Personne n’est exempt de dire des fadaises. Le malheur est de les dire curieusement.

Nae iste magno conatu magnas nugas dixerit.

Cela ne me touche pas. Les miennes m’eschappent aussi nonchallamment qu’elles le valent. D’où bien leur prend. Je les quitterois soudain, à peu de coust qu’il y eust. Et ne les achette, ny les vens que ce qu’elles poisent. Je parle au papier comme je parle au premier que je rencontre. Qu’il soit vray, voicy dequoy. À qui ne doit estre la perfidie detestable, puis que Tybere la refusa à si grand interest. On luy manda d’Allemaigne que, s’il le trouvoit bon, on le defferoit d’Ariminius par poison (c’estoit le plus puissant ennemy que les Romains eussent, qui les avoit si vilainement traictez soubs Varus, et qui seul empeschoit l’accroissement de sa domination en ces contrées là). Il fit responce que le peuple Romain avoit accoustumé de se venger de ses ennemis par voye ouverte, les armes en main, non par fraude et en cachette. Il quitta l’utile pour l’honneste. C’estoit, me direz vous, un affronteur. Je le croy : ce n’est pas grand miracle