Page:Montaigne - Essais, Éd de Bordeaux, 3.djvu/100

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sauf l’institution et l’usage, la difference n’y est pas grande. Platon appelle indifferemment les uns et les autres à la societé de tous estudes, exercices, charges, vacations guerrieres et paisibles, en sa republique ; et le philosophe Antisthenes ostoit toute distinction entre leur vertu et la nostre. Il est bien plus aisé d’accuser l’un sexe, que d’excuser l’autre. C’est ce qu’on dict : Le fourgon se moque de la poele.


Des Coches.

Chap. VI.



IL est bien aisé à verifier que les grands autheurs, escrivant des causes, ne se servent pas seulement de celles qu’ils estiment estre vraies, mais de celles encores qu’ils ne croient pas, pourveu qu’elles ayent quelque invention et beauté. Ils disent assez veritablement et utilement, s’ils disent ingenieusement. Nous ne pouvons nous asseurer de la maistresse cause ; nous en entassons plusieurs, voir si par rencontre elle se trouvera en ce nombre,

namque unam dicere causam
Non satis est, verum plures, unde una tamen sit..

Me demandez vous d’où vient cette coustume de benire ceux qui estrenuent ? Nous produisons trois sortes de vent : celuy qui sort par embas est trop sale ; celuy qui sort par la bouche porte quelque reproche de gourmandise ; le troisiesme est l’estrenuement ; et, parce qu’il vient de la teste et est sans blasme, nous luy faisons cet honneste recueil. Ne vous moquez pas de cette subtilité ; elle est (dict-on) d’Aristote. Il me semble avoir veu en Plutarque (qui est de tous les autheurs que je cognoisse celuy qui a mieux meslé l’art à la nature et le jugement à la science), rendant la cause du souslevement d’estomac qui advient à ceux qui voyagent en mer, que cela leur arrive de crainte, ayant trouvé quelque raison par laquelle il prouve que la crainte peut produire un tel effect. Moy, qui y suis fort subjet, sçay bien que cette cause ne me touche pas, et le sçay non par argument, mais par necessaire experience. Sans alleguer ce qu’on m’a dict, qu’il en arrive de mesme souvent aux bestes, et notamment aux pourceaux, hors de toute apprehension de danger ; et ce