Page:Montaigne - Essais, Éd de Bordeaux, 3.djvu/88

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tibi si datur uni
Quo lapide illa diem candidiore notet.

Quoy, si elle mange vostre pain à la sauce d’une plus agreable imagination ?

Te tenet, absentes alios suspirat amores.

Comment ? avons nous pas veu quelqu’un en nos jours s’estre servy de cette action à l’usage d’une horrible vengence, pour tuer par là et empoisonner, comme il fit, une honneste femme ? Ceux qui cognoissent l’Italie ne trouveront jamais estrange si, pour ce subject, je ne cerche ailleurs des exemples ; car cette nation se peut dire regente du reste du monde en cela. Ils ont plus communement des belles femmes et moins de laydes que nous ; mais des rares et excellentes beautez, j’estime que nous allons à pair. Et en juge autant des espris ; de ceux de la commune façon, ils en ont beaucoup plus, et evidemment la brutalité y est sans comparaison plus rare ; d’ames singulieres et du plus haut estage, nous ne leur en devons rien. Si j’avois à estendre cette similitude, il me sembleroit pouvoir dire de la vaillance qu’au rebours elle est, au pris d’eux, populaire chez nous et naturelle ; mais on la voit par fois, en leurs mains, si plaine et si vigoreuse qu’elle surpasse tous les plus roides exemples que nous en ayons. Les mariages de ce pays là clochent en cecy : leur coustume donne communement la loy si rude aus femmes, et si serve, que la plus esloignée accointance avec l’estranger leur est autant capitale que la plus voisine. Cette loy faict que toutes les approches se rendent necessairement substantieles ; et, puis que tout leur revient à mesme compte, elles ont le chois bien aysé. Et ont elles brisé ces cloisons, croyez qu’elles font feu : luxuria ipsis vinculis, sicut fera bestia, irritata, deinde emissa. Il leur faut un peu lacher les resnes :

Vidi ego nuper equum, contra sua frena tenacem,
Ore reluctanti fulminis ire modo.

On alanguit le desir de la compaignie en luy donnant