l’indolence, comme à son but. L’appetit qui nous rauit à l’accointance des femmes, il ne cherche qu’à chasser la peine que nous apporte le desir ardent et furieux, et ne demande qu’à l’assouuir, et se loger en repos, et en l’exemption de cette ficure. Ainsi des autres. Ie dy donc, que si la simplesse nous achemine à point n’auoir de mal, elle nous achemine à vn tres-heureux estat selon nostre condition. Si ne la faut-il point imaginer si plombée, qu’elle soit du tout sans sentiment. Car Crantor auoit bien raison de combattre l’indolence d’Epicurus, si on la bastissoit si profonde que l’abort mesme et la naissance des maux en fust à dire. Ie ne louë point cette indolence qui n’est ny possible, ny desirable. Ie suis content de n’estre pas malade mais si ie le suis, ie veux sçauoir que ie le suis, et si on me cauterise ou incise, ie le veux sentir. De vray, qui desracineroit la cognoissance du mal, il extirperoit quand et quand la cognoissance de la volupté, et en fin aneantiroit l’homme. Istud nihil dolere, non sine magna mercede contingit immanitatis in animo, stuporis in corpore. Le mal est à l’homme bien à son tour. Ny la douleur ne luy est tousiours à fuir, ny la volupté tousiours à suiure. C’est vn tres-grand auantage pour l’honneur de l’ignorance, que la science mesme nous reiecte entre ses bras, quand elle se trouue empeschée à nous roidir contre la pesanteur des maux : elle est contrainte de venir à cette composition, de nous lascher la bride, et donner congé de nous sauuer en son giron, et nous mettre soubs sa faueur à l’abri des coups et iniures de la Fortune. Car que veut elle dire autre chose, quand elle nous presche de retirer notre pensée des maux qui nous tiennent, et l’entretenir des voluptez perdues ; et de nous seruir pour consolation des maux presens, de la souuenance des biens passez, et d’appeller à nostre secours vn contentement csuanouy, pour l’opposer à ce qui nous presse ? Leuationes ægritudinum in auocatione à cogitanda molestia, et reuocatione ad contemplandas voluptates ponit, si ce n’est qu’où la force luy manque, elle veut vser de ruse, et donner vn tour de soupplesse et de iambe, où la vigueur du corps et des bras vient à luy faillir. Car non seulement à vn philosophe, mais simplement à vn homme rassis, quand il sent par effect l’alteration cuisante d’vne fieure chaude, quelle monnoye est-ce, de le payer de la souuenance de la douceur du vin Grec ? Ce seroit plustost luy empirer son marché,
De mesme condition est cet autre conseil, que la Philosophie donne ; de maintenir en la memoire seulement le bonheur passé,